Après une première rencontre avec Nathalie, notre globe-trotteuse d’Asie, je vous propose aujourd’hui de partir à la rencontre d’un nouveau voyageur : Jérôme. Il vous emmène aujourd’hui en Amérique du sud, dans son aventure. Rencontre…
Originaire de Lyon, Jérôme se définit comme plutôt du genre rêveur et curieux. Il se pose souvent des tas de questions sur le monde et adore écrire toute sorte de choses pour essayer de distiller ses pensées (même s’il ne s’y colle pas aussi souvent qu’il aimerait). Ce jeune homme de 29 ans est également passionné par le développement web dont il a fait son métier et passe aussi pas mal de temps à s’entraîner à la guitare pour s’évader un peu.
Pour en savoir un peu plus sur son parcours et ses expériences sur place, je vous invite à consulter son blog. J’espère que vous serez autant transportés par ses articles et émerveillés devant les photos magnifiques que je l’ai été à la lecture de zerome.fr.
Pourquoi as-tu décidé de partir ? Et pourquoi avoir choisi l’Amérique du Sud ?
J’ai toujours rêvé de partir pour un long voyage, juste moi et mon sac à dos, un peu comme un défi de développement personnel. C’est un fantasme qui me chatouillait l’esprit depuis quelques années mais que j’ai longtemps passé sous silence.
Pourquoi ? Parce que le temps file, parce qu’on a des obligations ou des choses qui nous retiennent et bien sûr beaucoup d’appréhensions quand il s’agit de se lancer dans inconnu…
Après quelques années de boulot en tant qu’employé dans une société de service en informatique j’ai réalisé que je n’étais pas pleinement épanoui dans ce que je faisais. Les semaines répétitives, les ambitions personnelles qui s’évanouissent, l’impression de cramer beaucoup de temps au service de gros projets qui ne me ressemblent pas (principalement tournés vers la grande consommation), tout ça m’a donné envie d’un changement de cap radical en direction d’une existence plus sobre, à l’écoute de mes propres aspirations et moins à la poursuite d’une simple réalisation financière.
Au croisement de ces deux idées, j’ai donc décidé qu’il était temps pour moi de mettre les voiles, avec l’espoir que cette aventure m’ouvrirait de nouvelles perspectives. Pour être tout à fait franc, le véritable déclencheur de mon départ fut un bête pari fait avec Laurence, une amie de longue date, suite à une conversation désillusionnée et un ou deux verres de rouge de trop… « Allez, on part en Amérique du Sud *hips* tope-là ! » Et nous l’avons véritablement fait ! Laurence m’a accompagné au cours des deux premiers mois et j’ai ensuite poursuivi le voyage en solitaire.
Sans trop savoir pourquoi, j’ai toujours été très attiré par le contient sud-américain. La culture latine m’a souvent semblé chaleureuse et je crois que l’image bariolée que je m’en faisais collait assez bien à mon rêve de baroudeur. Je n’avais que quelques bases en espagnol mais l’idée de pouvoir parler la même langue sur presque tout un continent a aussi joué dans la balance. En plus, c’est une langue assez facile à aborder pour un francophone.
Comment as-tu préparé ton aventure ?
En laissant Laurence s’occuper de tout à ma place ! Haha, je plaisante bien entendu, même s’il est vrai qu’elle était plus de nature prévoyante et moi plus de nature spontanée. Nous avons choisi nos villes d’arrivée et de départ surtout en fonction du coût des vols et regardé ensemble les principaux points immanquables sur le parcours. Au final, nous n’avions pas prévu grand-chose avant de partir et on s’est laissé vadrouiller au fil de nos envies du moment. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir faire ces choix au jour le jour car cela renforce encore le sentiment de liberté. D’un autre côté, il faut avouer que nous avons eu tendance à traîner plus que prévu dans certaines régions et qu’à la fin des deux premiers mois Laurence a dû courir un peu pour attraper son avion à Lima. Une fois seul, j’ai continué le voyage sans la moindre idée de la suite des évènements.
En ce qui concerne la « vie pratique », j’ai tout simplement démissionné de mon travail et quitté mon appartement. J’en ai profité pour faire un gros tri dans mes affaires et ne garder que l’essentiel que j’ai entreposé dans un grenier gentiment proposé par un membre de ma famille. Après quelques années de travail, j’avais suffisamment d’économies en poche (du moins, je l’espérais) pour tenir pendant la totalité du voyage. Je comptais effectuer la gestion de mon budget avec une méthode personnelle infaillible et redoutable : attendre et voir ! 🙂
Quel a été ton itinéraire ? Avais-tu tout planifié à l’avance ?
J’ai atterri à Buenos Aires le 2 mai et je suis reparti de Bogotá le 12 décembre. Pendant ce laps de temps, j’ai traversé le nord de l’Argentine, une fraction du Chili, puis la Bolivie, le Pérou, l’Équateur et la Colombie. Je n’avais absolument rien planifié et la plupart de mes trajets se sont d’ailleurs décidés le jour même, au fil de mes caprices ou des heureuses rencontres que j’ai faites sur la route.
Un moment qui t’a marqué en particulier durant ton voyage ?
Oui ! Dans un village du sud de l’Équateur j’ai eu la chance d’être introduit à un Chaman de confiance qui m’a fait participer à deux cérémonies d’ayahuasca. Il s’agit d’un puissant breuvage psychoactif utilisé comme médecine traditionnelle depuis la nuit des temps par les tribus amazoniennes. Sans trop rentrer dans les détails, cela m’a permis de prendre un recul important sur ma propre conscience, d’observer avec sincérité mes défauts, mes aspirations, mes mauvaises habitudes de pensée… C’est très dur à expliquer en quelque mots, mais je compte bientôt y dédier un article sur mon blog qui n’est malheureusement toujours pas à jour. Quoi qu’il en soit, cette expérience a changé quelque chose en moi. Elle m’a donné la substance nécessaire à la poursuite de mon épanouissement personnel et a joué un rôle important dans la réalisation de mon voyage, à savoir m’ouvrir de nouvelles perspectives.
Au cours de la seconde cérémonie, j’ai également rencontré une nouvelle amie incroyable avec qui j’ai choisi de continuer ma route par la suite, quasiment jusqu’à la fin du périple. Tous les deux de retour chez nous à l’heure qu’il est, nous sommes encore en contact et ce encore pour longtemps je l’espère !
Peux-tu nous parler du « rainbow gathering » ?
Le rainbow gathering désigne un rassemblement organisé par une communauté autogérée qui souhaite vivre dans une grande sobriété tout en pratiquant des idéaux d’écologie et de partage. Comme je le dis assez souvent pour vulgariser… c’est un regroupement de hippies qui passent leur temps à se faire des câlins. 🙂 J’ai pris part à l’un de ces rassemblements car j’ai eu la chance de rencontrer les bonnes personnes au bon moment qui m’ont invitées à les accompagner dans l’aventure. Je raconte cette histoire plus en détail sur mon blog si vous êtes curieux d’en savoir davantage. Ce rassemblement a également été un passage marquant de mon voyage car il m’a aidé à réaliser plusieurs choses :
- Premièrement, j’ai pu me rendre compte que lorsque l’on se retrouve au sein d’une communauté unie sous les même valeurs d’amour et de bienveillance, on se prend rapidement au jeu et l’on cherche soi-même à reproduire le même schéma. Loin de nos sociétés pleines de jugements où l’on est constamment « sur la défensive émotionnelle », je me suis découvert une passion nouvelle pour les gens qui m’entouraient et j’ai pris un réel plaisir à me fondre dans cette bande. Une bande où tout le monde se considère comme frère et sœur et cherche simplement à être heureux. Il y a de quoi reprendre foi en la nature humaine !
- Deuxièmement, une bonne portion des gens qui participaient à ce rassemblement étaient de jeunes voyageurs sans le sou (souvent plus jeunes que moi) qui traçaient leur route au jour le jour. Leur seul souci quotidien était de savoir comment ils allaient se débrouiller pour manger et dormir la journée suivante, souvent à coup d’artisanat, de musique ou de spectacles de cirque. Pouvoir observer à l’œuvre de tels caractères en marge de mes habitudes fut également une leçon importante pour moi. Ça vous aide à remettre en perspective une vie couarde et bien rangée, cette zone de confort hors de laquelle on n’ose même pas glisser le petit orteil. En plus, ces gens n’avaient vraiment pas l’air plus malheureux que nous… Me risquerais-je même à dire, « au contraire ? » Je ne sais pas. Ce qui est certain, c’est qu’ils avaient beaucoup de joie à revendre et beaucoup de sourires à offrir !
Quand t’es-tu dit qu’il était temps de rentrer ?
Je n’avais pas vraiment de date limite pour mon retour. Partir sans savoir quand j’allais rentrer représentait une composante importante de mon voyage. J’ai finalement décidé de rentrer à la mi-décembre pour les fêtes de fin d’année. J’ai surtout pensé à ma famille et à mes amis. Mais il faut bien avouer aussi que mon budget devenait de plus en plus maigrelet. En réalité, j’ai été très heureux de rentrer car j’ai le sentiment d’avoir ramené avec moi beaucoup de nouveaux apprentissages et que le prochain voyage ne se fera pas autant attendre que le premier. 😉
Que retires-tu de cette expérience ?
J’ai l’impression d’avoir déjà pas mal répondu à cette question, mais s’il faut en tirer une leçon générale, je crois que ça serait la suivante :
Quand quelque chose nous attire ou qu’une envie nous turlupine, il ne faut pas trop se laisser le temps d’hésiter. Sortir de sa zone de confort pour confronter ses rêves peut être effrayant (et ça l’a beaucoup été pour moi avant de partir) mais c’est infiniment plus riche et épanouissant que de refouler ses désirs. Nos situations d’aujourd’hui nous enlisent dans une certaine inertie. Le modèle social reluisant récurrent est celui du travailleur prévisible et confortablement arrimé. Celui qui cherche à profiter de la vie, au contraire, a tendance à être victime d’une image de fumiste qui vit hors des réalités. Pourtant, lâcher prise est important. Lâcher prise, c’est aussi redonner du pouvoir à son intuition, à cette spontanéité dont notre évolution a besoin autant que de stabilité.
De quoi te serais-tu bien passé ?
C’est peut-être difficile à croire mais… rien du tout ! Je cherche, je fouille ma mémoire, mais non. Avec le recul, je n’arrive pas à me remémorer un seul instant que j’aurais voulu différent. Bien-sûr, voyager sur le long terme n’est pas toujours une sinécure. Il y a des moments de doute, des moments de fatigue, voire même des moments où on en a un peu marre et on voudrait juste se retrouver confortablement assis autour d’une bière avec ses amis, ou au chaud chez soi dans un bon lit douillet. Mais ça fait aussi partie de l’aventure et ces moments restent rares et courts. Maintenant que je repense aux quelques menues galère que j’ai connues, j’en rigole et ça représente d’excellents souvenirs !
Un conseil pour les voyageurs qui aimeraient se lancer dans un voyage longue durée en Amérique du Sud ou ailleurs ?
Allez-y, vous en êtes capable ! Moi même, avant de partir, je n’avais pas du tout l’âme d’un aventurier intrépide et je me suis souvent surpris dans ma capacité à me débrouiller et même à aimer ces petits défis. C’est très satisfaisant ! En vérité, voyager n’est vraiment pas compliqué. Le plus dur est encore de prendre la décision de se lancer, et de s’y tenir.
Pour ma part, je crois que le plus dur a été de poser ma démission. Ensuite, tout s’est enchaîné avec un naturel déconcertant jusqu’au jour où j’ai posé mes fesses dans l’avion retour. Lancez-vous et ne laissez pas les autres vous décourager en disant que vous êtes inconscients ou qu’il faut faire comme-ci ou comme-ça… Allez-y comme ça vous ressemble et comme ça vous fait plaisir. Ça en vaut tellement la peine !
Qu’est-ce qui te pousserait à repartir ?
On le sait, le temps passe vite et la vie est courte. En plus, le temps (cet idiot) plus il avance et plus il accélère ! Huit mois, dans mon ancien boulot, ça filait à toute allure, jusqu’à ce que je me lève un beau matin en pensant « Quoi ? Déjà décembre ? Mais où ont bien pu disparaître toutes ces journées ? »
Huit mois de voyage, ça passe aussi à toute allure. Sauf que, quand on regarde en arrière, on sait où son temps a été investi. J’ai découvert tant de choses sur le monde et tant de choses sur moi-même, j’ai rencontré tant de personnes et fait tant de nouvelles expériences… En fait, je me suis senti vivant comme jamais. Voilà, c’est ça qui me pousserait à repartir !